Les vendeurs d'eBay boycottent le site d'enchère

Publié le par Grégory Bellemont

Après avoir menacé d'entrer en grève, de nombreux vendeurs d'eBay lancent un appel au boycott mondial.
« Ne vendez rien, n’achetez rien, restez inactifs », clament les grévistes qui ont multiplié les appels à l’arrêt des transactions dans les forums, les blogs ou sur les réseaux sociaux.
Il s'agit là d'un mode d'action encore tout à fait inédit et qui n'est pas toujours suivi par des vendeurs qui ne souhaitent pas sacrifier leur vente. La protestation est issue des professionnels pour qui eBay est devenu la première source de revenu.
«Cette protestation, c’est un peu la face émergée de l’iceberg, résume un vendeur français. Les professionnels commencent à se rendre compte que le gâteau n’est pas extensible à l’infini, alors quand on leur supprime certaines prérogatives, qu’on les désacralise, ça grogne.»

Plus étonnant, ce ne sont pas les nouvelles formules tarifaires, pourtant jamais bien vues par la communauté grandissante d'eBay, qui ont poussé les vendeurs à boycotter le site d'enchères.
Ce qui les a fachés, c'est la remise en cause du système de base d'eBay qui permettait aux utilisateurs eux-même de faire leur propre police. En effet, eBay a décidé qu'à paritr du moi de mai, les vendeurs ne pourront plus mettre de notes neutres ou négatives à de mauvais acheteurs.
Fini les «tomates» (la note la plus négative, de couleur rouge) permettant de signaler à la communauté arnaqueurs, mauvais payeurs ou simplement acheteurs très - trop ? - procéduriers.
«C’est tout simplement le droit de réponse du vendeur qui disparaît», s’offusque Mangouste, le pseudo d’un Niçois, «eBayer du dimanche» comme il se présente : «C’est nous qui faisons vivre eBay et voilà comment on nous traite.»
La mesure passe d’autant plus mal qu’après des années de laxisme dans la régulation du e-commerce, l’époque est au renforcement des obligations des cybermarchands, à la fois sur les plans législatif et fiscal puisque ceux qui exercent une activité professionnelle à titre régulier seront à l’avenir plus surveillés.

Chez eBay, on justifie cette évolution par la nécessité de simplifier un système qui a provoqué des dérives et envenimé les relations entre acheteurs et vendeurs. Il s’agit de « restaurer la confiance et la transparence » en mettant fin aux « évaluations négatives de représailles» qui fonctionnent comme une sorte de boomerang, explique la direction. Lorsqu’un acheteur note négativement un vendeur, ce dernier peut être tenté de se venger en évaluant à son tour négativement l’acheteur. Résultat, une sorte d’omerta virtuelle se serait développée, amenant les acheteurs à ne pas émettre de commentaires négatifs de peur de recevoir une de ces «tomates» qui font de vous une persona non grata aux yeux de la communauté. «Tout cela est en réalité assez théorique, analyse un vendeur, mais n’en traduit pas moins le sentiment chez les professionnels qu’ils sont tenus pour quantité négligeable. »

En dépit d’une croissance de 14 % prévue pour cette année, soit la moitié de l’an dernier, le nombre d’utilisateurs actifs et de produits mis en vente n’augmente presque plus. Non seulement la plupart des marchés potentiels ont été explorés, mais le commerce électronique s’est professionnalisé et ne repose plus, comme chez eBay, sur la seule «confiance» entre utilisateurs. De plus en plus de vendeurs migrent même sur des places de marché plus sécurisés comme celle d’Amazon qui, à la différence d’eBay, joue le rôle de tiers de confiance garantissant les transactions.

Pour relancer une recette qui a finalement peu évolué en dix ans, eBay cherche donc à séduire de nouveaux acheteurs trop souvent déroutés par la complexité du système. D’où cette réforme de la sacro-sainte notation et le développement des offres à prix fixe, passées de 28 à 40 % en trois ans. «Mal aimés», les vendeurs ne sont pas totalement oubliés puisque les commissions, aujourd’hui fixes quel que soit le nombre de transactions - une véritable anomalie au regard des règles du commerce - seront bientôt inversement proportionnelles au volume de ventes.

Pour tous enfin, eBay ne cesse de promettre plus de sécurité. Le véritable défi d’une société qui dédie déjà 2 000 salariés à cette tâche aussi redoutable que coûteuse, mais sans laquelle la «confiance» de la communauté risque de devenir un slogan aussi creux que faux.

(Source : Libération)

Publié dans Actualité

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